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Métamorphoses du bijou, un art nouveau

1890-1914


Sous le commissariat de Rossella Froissart, l’École des Arts Joailliers présente une exposition inédite qui illustre la place singulière occupée par le bijou au tournant des XIXe et XXe siècles, à travers une sélection de près de 100 pièces provenant de collections muséales, patrimoniales et privées. L’exposition propose d’intégrer le bijou français des décennies 1880-1914 dans un discours historique plus large, qui n’enserre pas les créations dans la grille réductrice d’une étiquette stylistique. Afin de rendre au courant qu’il est convenu de qualifier d’Art nouveau sa complexité, quelque cent pièces ont été sélectionnées, provenant de collections muséales, patrimoniales et privées.

À partir des années 1880, l’esthétique connait une profonde évolution. Un imaginaire nouveau, enrichi par la diffusion extraordinaire des connaissances scientifiques, féconde toutes les sphères de l’art. À la fin du siècle ce mouvement converge en France vers l’Art nouveau, dans un souffle créateur qui vivifie le travail des ateliers. Loin d’être le simple reflet d’une histoire des formes qui s’écrit ailleurs, le bijou participe pleinement du regard émerveillé porté sur la nature et sur ses phénomènes. Libre de toute finalité́  pratique  et  subissant  comme  seule contrainte celle qu’impose le travail des métaux et des pierres, l’objet précieux se prête admirablement à toutes sortes d’expérimentations, autorisant les combinaisons les plus variées et les fantaisies les plus évocatrices. Des artistes comme René Lalique, Georges Fouquet, Élisabeth Bonté, Victor Prouvé, Jean Dampt, Jules Desbois, Edward Colonna ou Eugène Grasset s’emparent alors d’un art dont le premier ressort de l’invention est la matière.

D’un point de vue technique, la caractéristique majeure est le mélange subtil entre pierres, métaux et matériaux de valeur différente, suivant la conviction que la beauté d’un bijou relève de sa conception artistique plutôt que du coût des éléments qui le composent. Ceux-ci, ductiles, colorés, chatoyants, donnent forme à des silhouettes féminines, à des rinceaux et à des fleurs, à des insectes ou encore à des arabesques envoutantes. Broches, peignes, pendentifs ou bagues empruntent les lignes souples de la vie, dans une diversité déroutante de thèmes relus souvent au prisme d’un onirisme fantastique.

Si au début des années 1910 les artistes se tournent vers une esthétique davantage inspiré par la géométrie, l’héritage fécond de l’Art nouveau est définitivement acquis : le décloisonnement des arts, le contact avec la science, l’assimilation d’une culture visuelle vivante auront définitivement ouvert l’art du bijou à la modernité.
L’exposition de L’École des Arts Joailliers permet de découvrir une évolution qui repose aussi bien sur l’utilisation de matières inusitées que sur l’adoption de nouveaux répertoires visuels.

Les styles du passé ne sont pas oubliés, mais le symbolisme, qui apparaît dans les années 1880, les réenchante. Monstres et créatures hybrides peuplent un univers fantasmatique, à l’instar de la broche Sphinx de René Lalique ou de l’ornement de corsage Serpent de mer ailé, de Georges Fouquet. L’essor extraordinaire de la botanique et l’intérêt pour les phénomènes de la génération et de la croissance incitent les artistes à associer la plante à la fluidité de la sève, signifiée par la courbe et l’entrelacAssociés au monde végétal, reptiles, insectes, batraciens sont le symbole d’une prolifération apparemment désordonnée et parfois monstrueuse. L’intérêt pour les manifestations de la vie, du mouvement et de l’évolution renouvelle la perception du thème antique des métamorphoses. René Lalique en est le plus libre interprète : une femme naît d’une tige et étire ses ailes de libellule, des créatures s’épanouissent en floraisons. Par son art consommé de l’émail, Lucien Hirtz donne vie à une forêt crépusculaire dont la luminosité diaphane orne une broche pour la maison Boucheron.


Enfin, la nature inspire par son processus de création même. L’infiniment petit, révélé sous la lentille du microscope comme cellule ou cristal, présente une structure géométrique abstraite et ordonnée. Ainsi, la nature n’est plus l’opposé de l’ornement abstrait, elle en est la source. En témoigne par exemple l’étincelant paysage marin qui recouvre de nacre et d’or le peigne en écaille de tortue réalisé par Georges Fouquet vers 1905.

du 2 juin au 30 septembre 2023

L’ÉCOLE DES ARTS JOAILLIERS

31 rue Danielle Casanova 75001 Paris