Ron Mueck
La Fondation Cartier invite le sculpteur australien Ron Mueck à exposer un ensemble d’œuvres jamais montrées en France aux côtés d’œuvres emblématiques de sa carrière. la Fondation poursuit donc un dialogue au long cours avec cet artiste qu’elle a révélé au public français en 2005 et dont les œuvres sont aussi rares qu’attendues.
Cette troisième exposition témoigne de l’évolution récente de la pratique de Ron Mueck, Par son échelle et sa facture, l’installation monumentale Mass marque un nouveau jalon dans la carrière de l’artiste. Cette œuvre commandée par la National Gallery of Victoria (Melbourne, Australie) en 2017, est la plus grande qu’il ait jamais réalisée. Composée de cent gigantesques crânes humains, Mass est reconfigurée par l’artiste en fonction de l’espace dont il dispose pour chaque présentation. Elle offre une expérience physique et psychique fascinante qui nous amène à contempler les notions fondamentales de l’existence humaine. Son titre donne à lui seul une idée de la polysémie de l’œuvre. Le mot anglais « mass », signifiant à la fois un amas, un tas, une foule mais aussi une messe, est une source d’interprétations propres à chaque visiteur. L’iconographie du crâne, elle-même, est ambigüe. Si l’histoire de l’art l’associe à la brièveté de la vie humaine, elle est aussi omniprésente dans la culture populaire.
Pour l’artiste, « le crâne humain est un objet complexe, une icône puissante, graphique, que l’on identifie immédiatement. Familier et étrange à la fois, il rebute autant qu’il intrigue. Il est impossible à ignorer, accaparant inconsciemment notre attention ». Les crânes se présentent comme un groupe, une somme d’individus qui s’impose au visiteur. En cela, Mass se distingue des précédentes œuvres de Ron Mueck qui avait, jusqu’alors, toujours représenté l’être humain dans son individualité.
Également exposé pour la première fois en France, Dead Weight (2021), un crâne en fonte de près de deux tonnes, contraste avec ses œuvres habituellement naturalistes. Les traces du moulage de cette sculpture demeurent, l’artiste ayant volontairement laissé les marques de sa fabrication et la nature brute du matériau parler d’elles-mêmes.
L’exposition dévoile également une spectaculaire sculpture représentant un groupe de chiens menaçants, créée spécialement pour l’occasion, dont Ron Mueck nourrissait déjà le projet lorsqu’il préparait son exposition monographique à la Fondation Cartier en 2013.
Trois œuvres emblématiques des années 2000 sont également présentées. Pour Baby (2000), minuscule sculpture d’un petit garçon qui vient de naître, Ron Mueck a pris pour modèle une image trouvée dans un manuel de médecine montrant un bébé tenu en l’air par les pieds quelques minutes seulement après l’accouchement. Aux antipodes de l’installation Mass, évocation du corps post-mortem, cette minutieuse représentation des premiers instants de la vie attire tout aussi intensément l’attention. En inversant l’image originale et en accrochant la sculpture au mur à la manière d’un crucifix, l’artiste présente tout d’abord son oeuvre telle une icône religieuse. Mais en l’observant de plus près, le visiteur est transpercé par le regard presque insolent du bébé.
Man in a boat (2002) représente une scène particulièrement mystérieuse. Un homme dont les bras cachent la nudité est assis à la proue d’une longue barque et se penche en avant, le regard interrogatif ou scrutateur. Comme souvent chez Ron Mueck, ce personnage semble « se retirer ou dériver dans des états intérieurs qui nous sont à peu près inaccessibles », selon les mots du critique d’art Justin Paton.
Avec A Girl (2006), le visiteur se retrouve face à un gigantesque nouveau-né, qui porte son premier regard sur le monde. Maculé de traces de sang, le cordon ombilical toujours présent, son corps est encore marqué par l’expérience de l’accouchement. L’artiste joue sur une impressionnante distorsion d’échelle pour évoquer à la fois le miracle et l’épreuve de la naissance, instant oublié et pourtant fondamental pour chacun d’entre nous.