Matisse
Dessins
Les liens entre Dina Vierny et Matisse remontent aux années 1940, lorsque Maillol recommanda son modèle au maître avec ces mots : « Matisse, je vous envoie l’objet de mon travail, vous la réduirez à un trait. » Ce dernier se lança alors dans un ambitieux projet : revisiter L’Olympia de Manet. Mais Maillol la rappela rapidement, et le projet resta à l’état d’ébauches.
Ce moment passé ensemble fit naître une amitié qui dura jusqu’au décès de Matisse en 1954 : « J’avais vingt-deux ans, je posais avec plaisir, les propos de Matisse m’enchantaient. Comme avec Maillol, pas un instant d’ennui avec lui. » Matisse joua un rôle fondamental dans la genèse de la galerie Dina Vierny car c’est aussi lui conseilla la jeune marchande et l’accompagna dans la création de son espace d’exposition. Il convainquit Auguste Perret, occupé à l’époque à reconstruire le Havre, de dessiner la petite galerie du 36 rue Jacob, qui n’a subi aucun changement depuis son ouverture en 1947.
L’œuvre dessiné d’Henri Matisse fut présenté à quatre reprises à la Galerie Dina Vierny : en 1966, 1970, 1980 et 1982. Cette exposition est donc la cinquième consacrée aux dessins de Matisse chez Dina. Certains d’entre eux ont d’ailleurs eu leur place sur les cimaises de la galerie lors des précédentes manifestations.
Pour Matisse, le dessin n’est pas seulement un outil préparatoire, mais un art à part entière, où chaque ligne traduit toute la sensibilité et la profondeur de son approche artistique. Il est un moyen d’explorer l’essence des formes et de la figure humaine, d’aller à l’essentiel sans se laisser distraire par le superflu. Sa maîtrise du trait est reconnue pour sa fluidité et son élégance. Chaque ligne, épurée mais précise, capte l’essence du sujet. Matisse a ouvert la voie à une nouvelle approche du dessin, dans laquelle figure et fond cohabitent harmonieusement et se complètent. En 1989, dans le catalogue d’une exposition organisée par Dina Vierny, Pierre Schneider écrivait à ce propos :
« La ligne tracée par Matisse anime les figures, mais aussi le fond. En vérité, on ne devrait plus parler ici de figure et de fond, puisque le trait qui qualifie l’une qualifie également l’autre, puisque la plume, le crayon, en nommant celle-ci, ne relèguent pas celui-là dans l’anonymat. Le sillon d’encre divise sans séparer. La blancheur qu’il enclôt et celle qui l’enclôt pèsent du même poids. Il est rare que Matisse ne ménage pas dans ces tracés, à leurs carrefours ou à leurs points de convergence, des brèches, des ouvertures à peine perceptibles, par lesquelles ils communiquent, échangent leur substance, et cette substance leur est commune. Matisse met fin à la guerre entre le noir et le blanc, le limité et l’illimité, le plein et le vide. »