Chana Orloff
Le musée Zadkine présente la première exposition parisienne monographique dédiée à Chana Orloff, depuis 1971. Rassemblant une centaine d’œuvres, elle invite à (re)découvrir une artiste remarquablement célébrée de son vivant mais injustement méconnue aujourd’hui, dont l’œuvre est pourtant bien représentée dans les collections françaises et internationales, notamment en Israël.
Le musée Zadkine situé à deux pas de l’atelier qu’occupa l’artiste rue d’Assas au début de sa carrière, semble tout indiqué pour lui rendre cet hommage : les sculptures de Chana Orloff dialoguent ponctuellement avec celles du maître des lieux, le sculpteur Ossip Zadkine, qui connaissait l’artiste dont il était l’exact contemporain. Leurs parcours présentent d’ailleurs de nombreuses similitudes : ils sont tous les deux d’origine juive et nés dans l’Empire russe, elle dans l’actuelle Ukraine et lui dans l’actuelle Biélorussie. Parisiens de cœur, familiers du quartier de Montparnasse, Chana Orloff et Ossip Zadkine ont mené une route parallèle et indépendante.
L’exposition dévoile une figure féminine forte et libre, dont le travail emblématique de l’École de Paris marqua son époque. Elle met en avant les grands thèmes chers à Chana Orloff : le portrait grâce auquel l’artiste s’est fait connaître et a acquis son indépendance économique, mais aussi la représentation du corps féminin et de la maternité – thèmes classiques de la sculpture occidentale. Rien ne prédestinait Chana Orloff, née en 1888 dans l’actuelle Ukraine, à devenir l’une des sculptrices les plus renommées de l’École de Paris. Élevée dans une famille juive émigrée en Palestine, la jeune femme arrive à Paris en 1910, pour obtenir un diplôme de couture. Mais, dans une capitale en pleine effervescence, Chana Orloff se découvre une vocation pour la sculpture. Au contact des artistes de Montparnasse, dont beaucoup, tels Modigliani ou Soutine, deviennent ses amis, Chana Orloff se forge un style personnel et inimitable. Ce sont surtout ses portraits, à la fois stylisés et ressemblants qui lui assurent le succès : avec eux, l’artiste entend « faire l’époque ».
La réussite de Chana Orloff dans l’entre-deux-guerres est impressionnante : elle expose en France et à l’étranger et, en 1926 elle obtient la nationalité française après avoir reçu la Légion d’honneur l’année précédente. La même-année, elle se fait construire par l’architecte Auguste Perret une maison-atelier sur mesure, près du parc Montsouris dans le 14e arrondissement de Paris, qui se visite toujours aujourd’hui. Preuve de son renom, Chana Orloff est l’une des rares sculptrices à prendre part à la grande exposition des Maîtres de l’art indépendant organisée au Petit Palais à Paris en 1937.
Cependant, la Seconde Guerre mondiale vient interrompre brutalement son succès. Persécutée en raison de ses origines juives, Chana Orloff échappe de peu à la rafle du Vel d’hiv avec son fils et parvient à fuir en Suisse. De retour d’exil en 1945, elle découvre sa maison-atelier saccagée. Elle se remet pourtant à la sculpture et partage sa vie entre la France et Israël où elle réalise plusieurs monuments, comme l’émouvante Maternité Ein Gev, dont le modèle à grandeur est présenté dans l’exposition. Elle disparait en 1968, un an après Zadkine.