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Iris Van Herpen

Sculpting the Senses

Iris van Herpen tient une place résolument à part dans l’histoire de la mode. Le champ de ses recherches et de ses expérimentations propose de percer les mystères du corps humain. Tension dynamique, fluidité, finesse et complexité, mais aussi poésie et philosophie, les principales conversations qu’elle établit entre corps et vêtement lui permettent de transmettre un nouveau regard, riche et enthousiaste, sur notre monde en devenir. Un monde où corps, esprit et âme dialoguent de manière invisible, de plus en plus intensément.

Ses créations bousculent les codes du vêtement et sont autant d’ouvertures vers des univers a priori déconnectés de sa discipline. Sa curiosité insatiable l’amène à sonder des domaines éloignés. Elle puise tout autant dans l’art contemporain que dans l’architecture, dans les sciences du vivant que dans l’histoire des arts, dans l’alchimie que dans la mystique. Elle manie avec précision et expertise les techniques artisanales aussi bien que les technologies de pointe. Ses rencontres et ses collaborations avec des créateurs du passé comme du présent sont autant d’incursions en territoires inconnus, de remises en question permanentes, de prises de hauteur incomparables pour bouleverser l’ordre des choses et les fondements de la mode. Le monde du vivant, mais aussi la danse classique et contemporaine, qu’elle pratique dès son plus jeune âge, sont les éléments fondateurs de son rapport au corps et au vêtement.

Fascinée par l’eau, […] elle y puise un univers infini d’intuitions. Et, comme l’écrit Gaston Bachelard, « l’eau est aussi un type de destin, non plus seulement le vain destin des images fuyantes, le vain destin d’un rêve qui ne s’achève pas, mais un destin essentiel qui métamorphose sans cesse la substance de l’être. ». Et c’est ce rapport étroit à l’eau, ses multiples états, ses facultés à se métamorphoser qui permet à Iris van Herpen de transposer la philosophie de cet élément à celle de ses créations. De la minuscule goutte de pluie tombée de la troposphère à l’immensité de l’océan, elle approfondit les jeux d’échelle et pratique des grands écarts permanents entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, entre le passé et le présent, entre aujourd’hui et demain, entre un monde en souffrance et un autre en devenir. Elle compose autour des corps physique, mental, émotionnel et éthérique, cherchant à déclencher, par le vêtement, un dialogue entre le corps et les sens. Ses robes sont une invitation à pénétrer dans une société en pleine métamorphose, à vivre des expériences sensorielles et extrasensorielles.

Créatrice aux multiples talents, elle fait naître de ses mains et de ses machines bien plus que des robes. Elle interroge avec philosophie, poésie mais aussi engagement, une sphère moderne rattrapée par ses paradoxes, étouffée par des crises climatiques et sociétales. Ses collections, à chaque saison, à travers des collaborations sensibles et éclairées, avec des architectes, des artistes contemporains, des designers questionnent des thématiques singulières : l’eau, l’air, l’apesanteur, le squelette, la cristallisation, la métamorphose, l’hybridation, l’hypnose, l’âme, la synesthésie, le rêve lucide, la renaissance… En repoussant avec énergie et détermination les limites des manières classiques et traditionnelles de penser et de voir, elle ausculte le potentiel de l’imagination pour transformer la perception du monde, un monde qu’elle souhaite réenchanter.

l’exposition interroge la place du corps dans l’espace, son rapport au vêtement et à son environnement, son avenir dans un monde en pleine mutation. Une sélection de plus de 100 pièces de haute couture réalisées par Iris van Herpen dialoguent avec des œuvres d’art contemporain et des pièces provenant des sciences naturelles comme des coraux ou des fossiles créant une résonance unique avec des pièces historiques.

Le thème du squelette est inauguré par la robe Skeleton faisant écho au squelette hybride d’une oeuvre de l’artiste japonais Heishiro Ishino. La place du corps est également évoquée au cœur de réseaux organiques et architecturaux représentés par une robe, métaphore d’une cathédrale gothique, mais aussi par le Gothic cabinet de Ferruccio Laviani ou encore par un documentaire de Yann Arthus-Bertrand et Michael Pitiot Terra, engagé sur la défense du vivant et les interconnexions de ses écosystèmes. Puis, le visiteur est invité à sortir de la dimension physique du corps pour explorer le monde du sensoriel, avec notamment des photographies de Tim Walker, une œuvre de Matthew Harrison ou encore une spectaculaire projection de Renaissance Dreams de l’artiste Refik Anadol. Enfin, les ténèbres de la mythologie autour du thème de la méduse dialoguent avec des œuvres de Kate MccGwire, d’EcoLogicStudio, Damien Hirst ou encore une armure de Samouraï. Une installation de Casey Curran propose une réflexion sur la place et le devenir physique et spirituel de l’être humain.

Célébrant son approche unique, cette rétrospective, qui s’articule autour de neuf thématiques recense l’essence même de son travail fusionnant mode, art contemporain, design et sciences. Le thème de l’eau et les origines du vivant, omniprésents dans l’œuvre de la créatrice, inaugure le parcours. Sa dernière collection Carte Blanche, mise à l’honneur dans cet espace en dialogue avec l’œuvre Origins de David Spriggs, invite littéralement le visiteur à se plonger dans l’univers aquatique de la créatrice.

L’eau est aussi abordée à l’échelle de l’immensité de l’océan avec la vague du Collectif Mé. Un espace dévoile les milieux naturels invisibles à l’œil nu révélés déjà au XIXe siècle par les planches de Ernst Haeckel ou encore par les modèles en verre exceptionnels de Léopold et Rudolf Blaschka. Des œuvres de Ren Ri et de Tomáš Libertíny, composées par des abeilles, viennent en regard de la fragilité de celles en papier de Rogan Brown.

Les robes d’Iris van Herpen réinventent aujourd’hui le « mode d’habiter » un vêtement. Ses textiles deviennent innovants, hybrides, résultats d’impression 3D et de découpes laser ou bien encore des textiles connectés. En générant ces matériaux inédits et en employant ces textures révolutionnaires, Iris van Herpen définit, à la manière des bâtisseurs, des microarchitectures, mais, à leur différence, des microarchitectures en mouvement. Ses robes prennent vie dès la première action du corps dans l’espace, dans un ballet de textures et de matières, de frottements et de glissements, de couleurs et de transparences. Mouvement contre mouvement, la seconde peau qu’elle appose à fleur de peau engage des microdanses déclencheuses d’espaces de respiration, d’espaces de méditation, et de réflexion. Dialogues intimes entre corps privé et corps public, les œuvres d’Iris van Herpen interrogent cet espace infini et pourtant inframince entre le corps et le vêtement, cette frontière invisible, qui se joue à la surface de l’épiderme et qui permet l’épanouissement des sens.

Ces discussions fertiles autour de l’architecture sont autant de pollinisations qui font de la créatrice la première à faire défiler, en 2010, un look imprimé en 3D. Ses échanges avec des artistes comme David Altmejd l’amènent à réfléchir aussi au corps comme fiction. Vêtus d’un concept tout autant que d’un vêtement, les corps habillés des œuvres d’Iris van Herpen tissent des liens étroits avec le passé pour y faire surgir des réminiscences mythologiques ou bien des récits fantastiques. En collaborant avec Anthony Howe, elle propulse l’être dans un futur imaginaire où l’habit serait lui-même en mouvement, un habit cinétique dialoguant avec la complexité de l’anatomie humaine, la beauté et la diversité de son environnement.

L’exposition s’achève sur une présentation des œuvres d’Iris van Herpen comme projetées dans l’immensité du cosmos. Ses robes y sont présentées dans une danse du ciel, des corps flottant dans l’espace et le temps. Les œuvres photographiques de l’artiste Kim Keever, mais aussi des prises de vue de nébuleuses appellent à s’élever pour ressentir le monde de manière plus holistique. Trois espaces viennent compléter le parcours : une évocation de l’atelier d’Iris van Herpen, un cabinet de curiosités présentant ses accessoires (chaussures, masques et éléments de coiffures) en regard d’éléments des sciences naturelles et de vidéos et une salle permettant de donner place au corps vivant et en mouvement à travers des vidéos des défilés de la créatrice. L’exposition est accompagnée d’une composition sonore créée par Salvador Breed. Elle vient interpeller les sens et immerger plus encore le visiteur dans ce voyage autour du corps et des thématiques chères à la créatrice.

du 29 novembre 2023 au 28 avril 2024

MAD

107 rue de Rivoli 75001 Paris