Rodin / Bourdelle
Corps à Corps
Antoine Bourdelle (1861-1929) admira Auguste Rodin (1840-1917), de vingt ans son aîné. Il travailla pendant quinze années comme praticien, chargé de tailler des marbres pour Rodin. Le maître perçut en cet héritier, volontiers indocile, un “éclaireur de l’avenir”. À travers plus de 160 œuvres, dont 96 sculptures, 38 dessins, 3 peintures et 26 photographies, la confrontation donne à voir, avec une ambition et une ampleur inédites, les fraternités et réciprocités comme les divergences et antagonismes de deux créateurs, de deux univers plastiques, porteurs des enjeux majeurs de la modernité.
Neveu d’un tailleur de pierre et fils d’un ébéniste, Antoine Bourdelle apprend très tôt le travail de la matière. Auguste Rodin fait connaissance avec l’oeuvre de son cadet au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts de 1892. Assailli de commandes, Rodin fait alors travailler une dizaine de praticiens, et sollicite Bourdelle.
Entre 1893 et 1907, Bourdelle taille une dizaine de marbres pour Rodin dans ses ateliers (actuel musée Bourdelle), aidé de ses propres praticiens et élèves. Désireux d’être davantage qu’un simple exécutant, il propose notamment de le seconder auprès des fondeurs. De son côté, Rodin soutient le jeune sculpteur, notamment pour le Monument aux combattants de Montauban, marqué par l’expressivité rodinienne. En 1902 apparaissent les premières tensions : Bourdelle tarde trop à tailler Ève et propose pour le buste de Rose Beuret une composition rejetée par Rodin. Pourtant leur collaboration dure encore quelques années. En mars 1908, Bourdelle peut enfin écrire : « J’ai en ce moment beaucoup de travaux. Je n’ai plus besoin de travailler pour Rodin. Je vends beaucoup. »