Agnès Bitton
Agnès Bitton est une artiste, mais une artiste qui aurait longtemps à la fois rêvé et refusé de l’être vraiment. Elle a toujours créé sans pourtant montrer son travail, elle a toujours côtoyé le monde de l’art sans pour autant révéler cette part d’elle-même. Peut-être fallait il trouver le bon lieu, Tourrette, la bonne personne, Carole Korngold, qui suit elle aussi un parcours personnel et original, pour qu’elle se décide enfin à exposer son travail et que cette première exposition soit une magnifique surprise et un réel succès.
Agnès, c’est donc la première fois que vous exposez cette collection d’œuvres luminaires ?
Agnès Bitton : Oui c’est la toute première fois que je les présente et je suis heureuse que ce soit ici, dans ce lieu unique et accompagnée par Carole. Ce sont toutes des pièces uniques réalisées à la main. Il y a la lampe de table, la Métèque, le lampadaire, l’applique et la dernière que j’ai créée, que j’ai appelé la Rase motte et qui convient très bien à ce lieu car elle trouve parfaitement sa place dans un cabinet d’amateur ou de collectionneur, au milieu des autres objets.
C’est un travail qui se situe se situe à mi-chemin entre l’art contemporain et l’artisanat d’art ?
A.B : En tout cas je ne veux pas qu’on parle de design. C’est pour moi une collection artistique dont toutes les pièces sont uniques, par leurs formes, la matière ou la couleur. La première lampe que j’ai créée était d’ailleurs une sorte de Manifeste. Je la trouvais un peu guerrière. C’était un mélange de toute mon histoire, de toutes mes histoires, c’est pourquoi je l’ai appelée la Métèque. J’aime l’idée du temps long, passé pour former ces pièces qui appellent à la caresse de la main de l’homme, du pied à la tête, de la pièce unique. J’aime cette rupture totale avec l’époque des productions ultra rapides en 3D. Vous avez inventé tout à l’heure l’expression “oeuvre luminaire”. Elle me plaît beaucoup. Je vais l’adopter.
On peut jouer indéfiniment avec ces lampes et toujours trouver des formes différentes selon la manière dont on les fait bouger ?
A.B : Oui, une épaule d’armure ou de femme pour certaines personnes, un oiseau pour d’autres …. C’est d’ailleurs avec les lampadaires que j’ai retrouvé plus de féminité dans la création, comme des envolées avec toutes les positions possibles, plus gracieuses peut-être. Mais là encore chacun invente des positions auxquelles je n’avais pas forcément pensé, souvent celles d’un oiseau justement. Je tiens beaucoup à cette personnalisation des attitudes, notamment des lampadaires, à la facilité avec laquelle d’un simple geste on leur fait raconter une autre histoire.
Vous travaillez en étroite collaboration avec des artisans d’art pour la fabrication ?
A.B : J’ai découvert un monde en allant à l’atelier travailler avec les maîtres dinandiers. Le travail de la tête demande un temps fou : partir d’une feuille de laiton rigide et la transformer à froid dans un enchaînement presque chorégraphié de coups de maillets puis de marteaux de plus en plus fins, de plus en plus lisses. Rétreinte, sous planage, planage, ces mots m’enchantent. Et la mise au feu pour redonner de la souplesse au laiton à bout d’étirement. Et la patine à la fumée … magie… !
Vous affectionnez particulièrement ce matériau ?
A.B : La couleur du laiton est incroyable, lumineuse et chaude et l’opposition avec le noir donne un vrai effet de matières. On peut presque parler de Ying et de Yang. Avec les jeux de lumière et de réflexion, chacun peut, encore une fois, trouver quelque chose de différent avec toutes les pièces de la collection. Ce sont des compagnes de jour comme de nuit, le jeu des ombres sur un mur est jubilatoire.
N’auriez-vous pas créé des classiques avec cette collection ?
A.B : Oh redites moi ça ! Un plus joli compliment n’était pas possible !
Crédit Portrait : Jean Guillaume Mathiaut