Lou Woolworth
Depuis cinquante ans, la Galerie Subra-Woolworth est un lieu presque sacré pour ceux qui aiment le bijou, parce que chacune des pièces qu’elle présente a une histoire, une singularité qui la rend absolument unique pour celle ou celui qui la portera. Après Jacqueline Subra et Isabelle Subra-Woolworth, c’est aujourd’hui Lou Woolworth qui présente ces pièces uniques, anciennes, modernes ou contemporaines, bijoux d’artistes ou de joaillers, qui provoquent souvent des rencontres et parfois même des coups de foudre !
Lou, vous êtes donc la troisième génération de femmes à présenter dans cette galerie une sélection tout à fait unique de bijoux ?
Ma grand-mère, Jacqueline Subra, qui était d’abord antiquaire de mobilier ancien et d’objets de curiosités, a fondé la galerie à Montparnasse dans les années 60. Elle a été rejointe par ma mère Isabelle, et elles ont ouvert ensemble la galerie au 51 rue de Seine dans les années 80. Elles ont travaillé de concert durant une vingtaine d’années. De mon côté c’est dans la mode que j’ai débuté avant que ma mère ne me passe le relais il y a environ cinq ans.
Chacune d’entre vous avait-elle son propre univers ou ses périodes de prédilection ?
L’ADN de la galerie est vraiment de mélanger les époques, du 18ème siècle jusqu’au bijou contemporain, mais chacune d’entre nous avait ou a sa propre sensibilité. Ma grand-mère aimait beaucoup l’art nouveau et l’art déco. Et ma mère a été l’une des premières à présenter le travail de Line Vautrin, ses miroir sorcières, ses boites et ses bijoux. Elle m’a très facilement passé le relais, en me laissant très libre. J’avais travaillé 10 ans comme styliste et c’était aussi un atout. Aujourd’hui je ne suis pas seulement dans le renouveau, je veux aussi rester fidèle à la ligne qui était la leur. J’aime montrer que le bijou n’est pas seulement une pièce d’apparat. Il est bien sûr dédié à être porté, d’ailleurs je suis certaine que Line Vautrin concevait ses bijoux en talosel pour qu’ils soient dans le mouvement, que le bijou se révèle sur la personne qui le portait, mais il doit aussi avoir une histoire, une valeur symbolique, bien plus que pécuniaire. D’ailleurs je n’ai pas d’approche identitaire ou sociale du bijou, mais plutôt intellectuelle ou émotionnelle.
Y a-t-il des modes pour le bijou comme pour le vêtement ?
Oui il y a des engouements pour un designer ou une époque. Certaines personnes ont de vraies collections. En ce moment, le bijou couture des années 70 par exemple.
Vous présentez aussi des bijoux masculins ?
Oui j’ai de très jolies bagues intailles anciennes pour hommes, des bagues romaines souvent, des boutons de manchette atypiques et d’intéressants bracelets en argent. Il y a un intérêt plus libre aujourd’hui de la part des hommes pour le bijou.
Est-ce que vous montez des collections ?
Oui et ce sont toujours des expériences passionnantes. En ce moment je crée une collection de boites et de bijoux de Line Vautrin pour une cliente ; des bijoux de Catherine Noll pour un important collectionneur étranger. Pour l’une de mes fidèles collectionneuses, je cherche des bijoux du 18ème siècle. Je demande aussi aux créateurs contemporains de la galerie de créer des objets, Chloé Valorso travaille d’ailleurs en ce moment sur de magnifiques bougeoirs pour un palazzo vénitien.
Quelles sont les sources d’inspiration des créateurs contemporains ?
Certains puisent beaucoup dans le passé, d’autres pas du tout. Ils ont une approche plus libre, plus instinctive des choses, comme Chloé Valorso, qui est aussi sculpteur.
La galerie est un véritable cabinet de curiosités, pour les collectionneurs, les amateurs mais aussi pour tous ceux qui ont un œil sensible ?
J’aime les gens curieux, jeunes ou moins jeunes, collectionneurs ou pas, ceux qui contemplent longuement les vitrines de la galerie ou ceux qui franchissent le pas de la porte et que je peux en quelque sorte « emmener » dans l’histoire du bijou. C’est d’ailleurs un lieu très riche de toutes les rencontres qu’il provoque.
Votre prochaine exposition est consacrée au thème animalier dans le bijou ?
Oui ce sera un dialogue entre le bijou ancien et le travail de Chloé Valorso. Je l’ai voulu comme un éloge à l’animal à travers l’histoire du bijou, de sa représentation la plus réaliste jusqu’aux formes les plus stylisées, mais aussi une mise à l’honneur de techniques anciennes remarquables, qui, selon la période, privilégient l’or serti de pierres précieuses, l’argent ou l’émail. J’ai sélectionné une soixantaine de pièces, de 1850, le bijou 19ème privilégiant la figure animale, jusqu’aux années 50 et 60 avec bien sûr le travail de Line Vautrin, mais aussi les années 70 et 80 avec des bijoux signés Pomellato, Fred ou Zolotas, Lalanne, lalaounis.
Toutes ces pièces côtoieront le travail de Chloé qui a, elle, une approche singulière et intimiste du bijou : la nature même de l’animal devient une source d’exploration formelle, le crabe symbolise le pouvoir de changement et d’adaptation, le serpent incarne le pouvoir de la transformation et la renaissance … Chaque pièce est envisagée comme une amulette, un bijou de protection qui nous reconnecte avec l’animal qui est en nous et nous rappelle le pouvoir des objets qui nous entourent, le lien indicible et intime que l’on a avec eux.