Louise Frydman
Tout est allé très vite pour Louise Frydman, comme dans un tourbillon. Dès sa première exposition le succès et les collectionneurs étaient au rendez-vous et depuis elle parcourt le monde de projet en projet. Alors il a fallu l’attraper au vol, entre Paris et Prague pour revenir avec elle sur cette belle aventure, évoquer ce travail sur l’intime qu’elle poursuit sans relâche, entre céramique et photographie. Une jolie rencontre, un matin de pluie très parisien, dans un bar d’hôtel germanopratin.
Louise, c’est d’abord avec une exposition de photographies que nous avons découvert votre travail il y a six ou sept ans ?
C’est vrai, cela me semble à la fois si proche et si lointain ! Après mes études à Penninghen je me cherchais un peu et j’ai décidé de partir à New York pour faire une école de photo. Très vite j’ai fait ma première exposition à la Galerie Baxter sur un sujet qui m’était cher, un endroit qui devenait fantôme, l’appartement de mes grands-parents, celui dans lequel mon père avait grandi et qu’ils quittaient à ce moment-là. C’était un lieu hors du temps et je voulais en garder une trace. J’ai appelé cette série Plein Silence.
Et quelques temps plus tard on vous retrouve avec un travail de céramique ?
Avec la photo, on papillonne, on traque, j’avais peut être besoin de m’ancrer, dans la terre justement, en travaillant la céramique. J’ai commencé à créer des mobileset tout de suite j’ai eu la chance qu’ Amélie du Chalard me demande de faire une installation de 17 mètres de long composée de centaines de pièces en céramique pour une exposition à l’Hôtel de Croisilles dans le Marais.
Un peu dans l’urgence, j’ai contacté le maitre – céramiste Jean-François Reboul, pour qu’il me forme au plus vite ! Il m’a demandé de venir le voir en Bourgogne et nous avons commencé à travailler. Il m’a accompagnée d’une façon merveilleuse. J’ai appris en créant mon projet, en faisant exactement ce que je voulais faire, en allant là où je voulais aller. Parfois ne pas apprendre de manière traditionnelle, mettre tout de suite les mains dans la pâte offre une liberté incroyable, quelque chose de pur, de primitif. Je me souviens de mes premières sculptures : elles sont apparues sous mes doigts dans un mouvement de joie, d’énergie qui m’a bouleversée, c’était presque transcendant !
C’est un travail d’une légèreté incroyable, la matière devient très proche de celle du papier ?
C’est vrai. D’ailleurs avant la céramique, j’ai travaillé la fibre de papier. Je la déchiquetais pour créer des compositions éthérées, Les Larmes. Avec la céramique j’ai retrouvé la pureté du blanc et gardé ce même mouvement d’étirement, en travaillant jusqu’à la limite de la matière.
Vous travaillez à la main, sans outils ?
Oui, le contact de la main avec la terre est essentiel pour moi. J’utilise seulement un pinceau pour polir les sculptures, adoucir certaines lignes. Même si mes sculptures paraissent légères, la céramique est un medium très lourd, très physique, qui engage le corps et les éléments.
Vous créez aussi bien des œuvres murales que des sculptures ?
Aujourd’hui ce sont les œuvres murales, mes bas-reliefs en porcelaine qui sont au cœur de mon travail. Je les développe depuis des années en diptyque, en triptyque, de moyen ou de grand format. Je viens d’en installer un de deux mètres de haut pour un projet immobilier et la Maison Dior en a acquis de nombreux ces dernières années pour ses boutiques à travers le monde. Mais je vais commencer à travailler le bronze : le rapport entre la force du matériau et la fragilité visuelle me plaît beaucoup.
Vos œuvres intègrent des Collections très diverses ?
Le premier a avoir acheté mes œuvres en papier est Chahan Minassian et très vite, ensuite, j’ai eu des demandes de Maisons de luxe comme Bonpoint, Dior ou Hermès. Puis j’ai eu de beaux projets dans l’immobilier pour lesquels j’ai dû intégrer mon travail dans l’élaboration de lieux divers. J’aime beaucoup travailler un projet en tenant compte de celui des architectes. Historiquement, leur travail avec les artistes m’a d’ailleurs toujours intéressée, en particulier à la Renaissance. J’aime ces liens qui existent entre l’art, l’artisanat d’art, l’architecture … et j’aime explorer les matières. J’ai débuté l’année dernière un travail avec le bambou qui a été sélectionné lors du Concours ICAA Blanc de Chine, une association qui crée une sorte de pont artistique entre la Chine et l’Occident.
Photographie ou sculpture, c’est toujours un travail sur l’intime ?
Oui l’intime bien sûr. L’ombre et la lumière aussi. Je crois que lorsqu’on est artiste, il faut aller puiser dans la fragilité mais trouver ensuite la force pour créer. Faire jaillir la lumière de l’ombre en quelque sorte.
Cela peut devenir cathartique ?
Oui c’est sûr, créer est un acte vital pour moi. Je cherche toujours la lumière, quelque chose d’ascendant ! Mon travail est très instinctif, je suis dans le ressenti plus que dans le mental.
Plusieurs galeries vous représentent ?
Amélie du Chalard présentera une exposition de mon travail l’année prochaine dans sa galerie de la rue Séguier. J’ai aussi une galerie à Prague, KODL Contemporary, qui m’a offert une très belle exposition aux côtés de Sébastien Salgado l’été dernier. C’était incroyable de retrouver mon travail aux côtés de celui de ce maître absolu de la photographie.
Et la photographie ?
J’y reviens depuis quelques mois et je travaille au Leica pour la première fois. Je reprends une série sur l’intime que j’avais commencée il y a quelques années. Revenir à la photo me fait réaliser combien ce medium est léger, aérien et presque volatile si je le compare à la terre. Et je trouve ces techniques finalement très complémentaires.