Noël avec Olivia Roland

Ce moment suspendu, en rouge et vert

J’ai quatre ou cinq ans. Il fait nuit noire. Dans la maison tout éclairée, vêtue d’une belle robe à smocks, assise sagement entre ma grand-mère et mon frère aîné sur le canapé en velours marron du bureau, je me sens protégée. En bas dans le salon, tout le monde est arrivé sauf le Père Noël. A 19h00, quand la cloche retentit à la cave, signalant enfin son passage, Michel se tourne vers moi. Ses yeux bleus magnifiques plantés dans les miens, il me dit : “Olivia, le Père Noël n’existe pas. C’est Papa qui sonne la cloche”. Je suis interdite. S’il dit vrai, que faire ce soir pour ne pas décevoir les parents et gâcher la fête ?

A partir de ce Noël-ci, où je ne dis mot du secret dévoilé, je répète chaque mois de décembre le même rituel : dès que la maisonnée a le dos tourné, je descends subrepticement à la cave, propriété désormais reprise au Père Noël, et je défais délicatement certains des paquets soigneusement entassés par ma mère dans des paniers afin de savoir avant le 24 au soir ce que chacun va bien pouvoir recevoir. Et surtout moi ! Puis le jour J, à nouveau, je feins la surprise. Car au fond, hier comme aujourd’hui, ce qui au fond me plait le plus à Noël, c’est le crissement des boules de papiers froissés que le chien s’approprie volontiers, les rubans vite défaits devenus serre-têtes ou ceintures éphémères,  les étiquettes qui collent aux doigts à la manière de décalcomanies, en bref, tout ce qui au- delà du contenu, qu’il s’agisse  du sapin odorant, des cartes de vœux disposées sur la cheminée, des crackers anglais remplies de blagues idiotes et de couronnes en papier, concourt à ce que perdure génération après génération,  la magie et l’ivresse de ce moment suspendu, en rouge et vert. 

Olivia Roland est créatrice. Elle associe tantôt les tissus anciens, tantôt les mots, pour créer des pièces de collection uniques et des textes sur-mesure, pour Petit h comme pour Flammarion